Revue d'Evidence-Based Medicine



Une bandelette mi-urétrale comme traitement de l’incontinence urinaire à l’effort chez la femme



Minerva 2019 Volume 18 Numéro 6 Page 70 - 73

Professions de santé

Infirmier, Médecin généraliste, Sage-femme

Analyse de
Fusco F, Abdel-Fattah M, Chapple CR, et al. Updated systematic review and meta-analysis of the comparative data on colposuspensions, pubovaginal slings, and midurethral tapes in the surgical treatment of female stress urinary incontinence. Eur Urol 2017;72:567-91. DOI: 10.1016/j.eururo.2017.04.026


Question clinique
Que peut-on dire de l’efficacité et de l’innocuité d’une bandelette mi-urétrale par comparaison avec d’autres traitements chirurgicaux en cas d’incontinence urinaire à l’effort chez la femme ?


Conclusion
Cette synthèse méthodique d’études randomisées contrôlées, le plus souvent de petite taille et de qualité méthodologiquement incertaine, qui comporte d’importantes limitations sur le plan méthodologique, nous permet de conclure que les bandelettes mi-urétrales sont au moins aussi efficaces et sûres que la colposuspension selon Burch et que la suspension pubovaginale classique. Il n’y a pas non plus de différence quant à l’efficacité entre une bandelette mi-urétrale transobturatrice et une bandelette mi-urétrale rétropubienne. Cette étude ne nous permet pas de tirer de conclusions à propos de la place des différentes techniques chirurgicales après l’échec d’un traitement conservateur chez les femmes présentant une incontinence urinaire à l’effort.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Les recommandations de l’association néerlandaise des médecins de famille (NHG) concernant l’incontinence urinaire chez la femme préconise des exercices intensifs des muscles du périnée comme première étape thérapeutique en cas d’incontinence à l’effort. En cas d’amélioration insuffisante, la pose d’une bandelette mi-urétrale est conseillée. Sur la base d’une étude randomisée contrôlée comparant les exercices des muscles du périnée et la mise en place d’une bandelette mi-urétrale, on recommande ensuite, en cas de symptômes sévères (incontinence urinaire plusieurs fois par semaine ou incontinence urinaire avec gêne importante), de mettre en avant comme option de traitement initiale une bandelette mi-urétrale. Les résultats de la synthèse méthodique avec méta-analyse décrite ci-dessus confirment la place d’une bandelette mi-urétrale comme option thérapeutique chirurgicale valable.


 

Contexte

Chez les femmes atteintes d’incontinence urinaire à l’effort, peut-on, après l’échec d’un traitement conservateur par exercices des muscles du périnée, envisager la mise en place d’une bandelette mi-urétrale ? L’objectif de cette intervention peu invasive est de stimuler et soutenir la jonction urétrovésicale à l’aide d’une bandelette synthétique. La bandelette est mise en place sans tension via une incision dans la paroi antérieure du vagin, et elle est soit conduite derrière le pubis pour être coupée juste au-dessus de l’os pubien sous le niveau de la peau, après quoi elle fusionne avec les tissus sous-jacents (bandelette rétropubienne aussi appelée bandelette vaginale sans tension (Tension free Vaginal Tape, TVT)), soit conduite via le foramen obturateur vers l’aine pour être coupée sous le niveau de la peau, après quoi elle fusionne avec les tissus sous-jacents (bandelette transobturatrice (Tension free Vaginal Tape via foramen Obturatum, TVTO) (1,2). Une variante consiste à poser la bandelette via l’aine au lieu de la mettre en place par le vagin (bandelette transobturatrice (Trans-Obturator Tape, TOT)) (2). Le précurseur de cette intervention peu invasive était la chirurgie de suspension sous-urétrale, déjà pratiquée il y a longtemps. Du matériel autologue ou synthétique était mis en place par voie abdominale, sous l’urètre, et fixé au muscle grand droit ou aux ligaments ilio-pectinés (3,4). Dans la colposuspension et la cystopexie, qui existent depuis un certain temps, le col de la vessie est fixé des deux côtés aux ligaments ilio-pectinés par des points de suture, lors d’une opération abdominale à ciel ouvert ou d’une intervention laparoscopique (5,6). Tout comme les conclusions de plusieurs synthèses méthodiques Cochrane (2,3,5,6), le guide de bonne pratique actuel de l’association néerlandaise des médecins de famille (NHG) (1) privilégie la bandelette mi-urétrale car peu invasive quand un traitement chirurgical est recommandé.

 

Résumé

 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

 

Sources consultées

  • Medline, Scopus et Web of Science de juillet 2014 à novembre 2016
  • la base de données Cochrane des synthèses méthodiques
  • pas de restriction quant à la langue et au type de publication.

 

Études sélectionnées

  • critères d’inclusion : études randomisées contrôlées évaluant la pose d’une bandelette mi-urétrale comme traitement chirurgical principal de l’incontinence urinaire à l’effort avec des critères de jugement tels que la continence, la satisfaction, les complications.
  • critères d’exclusion : études randomisées contrôlées dans lesquelles une bandelette mi-urétrale était posée chez des patientes chez qui une intervention chirurgicale précédente avait échoué
  • finalement, inclusion de 28 études randomisées contrôlées

Population étudiée

  • au total, 15855 femmes ont été incluses ; les autres caractéristiques spécifiques des patientes ne sont pas rapportées.

Mesure des résultats

  • critères de jugement objectifs (test à l’effort, test d’incontinence, examen urodynamique) et subjectifs (perception d’une amélioration clinique selon le patient, à l’aide de questionnaires) pour la continence : un « niveau global de continence » a été déterminé pour les études rapportant à la fois des critères de jugement objectifs et subjectifs
  • complications telles que saignement, érosion vaginale, rétention vésicale, vessie irritable, nouvelle opération, perforation de la vessie ou du vagin et infection urinaire comme critères de jugement pour la sécurité
  • en l’absence d’hétérogénéité, une méta-analyse a été effectuée selon un modèle à effets fixes
  • analyses de sous-groupe et analyses de sensibilité
  • recherche d’un biais de publication avec funnel plots.

 

Résultats

  • par comparaison avec les patientes ayant subi une colposuspension par laparotomie ou par cœlioscopie selon Burch, les patientes avec une bandelette mi-urétrale étaient plus nombreuses, et ce de manière statistiquement significative, à être « globalement continentes » (82% versus 74% ; rapport de cotes (RC) de 0,59 avec IC à 95% de 0,45 à 0,79 et I² = 15% ; N = 12, n = 1257) et étaient plus nombreuses, et ce de manière statistiquement significative, à présenter une « continence objective » déterminée par un test à l’effort négatif (79,7% versus 67,8% ; RC de 0,51 avec IC à 95% de 0,34 à 0,76 et I² = 3,8 ; N = 3, n = 528 ; p = 0,001), mais on n’a pas observé d’augmentation de la continence subjective (N = 5, n = 521) ; l’analyse en sous-groupe a montré uniquement une différence statistiquement significative par comparaison avec la laparotomie, mais pas par rapport à la colposuspension par cœlioscopie selon Burch ; dans une analyse de sensibilité de trois études avec un suivi d’une durée > 60 mois, un avantage statistiquement significatif avec une bandelette mi-urétrale n’a pu être montré que pour la continence objective
  • par comparaison avec les patientes ayant subi une chirurgie de suspension pubovaginale classique, on n’a pas observé avec une bandelette mi-urétrale une différence statistiquement significative dans la « continence globale » (N = 7, n = 563), la continence subjective (N = 4, n = 466) et le nombre de complications (N = 4 ou 5) ; avec une bandelette mi-urétrale, une vessie irritable était toutefois moins fréquente (RC de 0,40 avec IC à 95% de 0,18 à 0,88)
  • par comparaison avec les patientes chez qui une bandelette mi-urétrale transobturatrice a été mise en place, on a observé, chez une plus grande proportion de patientes avec une bandelette mi-urétrale rétropubienne, une continence subjective (78% versus 74% ; RC de 0,83 avec IC à 95% de 0,70 à 0,98 et I² = 0%; N = 22, n = 3 247) et objective (86% versus 84% ; RC de 0,82 avec IC à 95% de 0,70 à 0,96 et I² = 0%; N = 31, n = 4796) sans différence quant à la « continence globale » (N = 9, n = 1 374, I² = 15,2%) ; la mise en place d’une bandelette transobturatrice était associée à une fréquence plus faible de perforations de la vessie ou du vagin (p = 0,0002), d’hématomes pelviens (p = 0,002), d’infections urinaires (p = 0,04) et de rétention vésicale (p = 0,002), tandis qu’une bandelette rétropubienne était associée à un moindre risque d’érosion vaginale (p = 0,002), il n’y avait entre les deux aucune différence quant à la vessie irritable ni quant à une nouvelle opération ; une analyse de sensibilité de cinq études avec suivi d’une durée > 60 mois n’a montré aucune différence entre les deux techniques quant à l’efficacité ni quant aux complications
  • les deux techniques pour la mise en place d’une bandelette mi-urétrale transobturatrice étaient comparables en termes d’efficacité ; il y avait moins de perforations vaginales avec la technique de l’intérieur vers l’extérieur versus celle de l’extérieur vers l’intérieur (p = 0,0002).

Conclusion des auteurs

La conclusion des auteurs est que leur analyse confirme la supériorité d’une bandelette mi-urétrale par rapport à la colposuspension selon Burch. Les études qui comparent la mise en place d’une bandelette mi-urétrale rétropubienne et d’une bandelette mi-urétrale transobturatrice montrent plus de guérisons objectives et subjectives avec la bandelette rétropubienne, mais avec un risque accru de certaines complications et de rétention vésicale. La technique de l’intérieur vers l’extérieur et celle de l’extérieur vers l’intérieur pour la bandelette mi-urétrale transobturatrice étaient comparables en termes d’efficacité, mais la technique de l’intérieur vers l’extérieur comportait un plus grand risque de perforation vaginale.

Financement de l’étude et conflits d’intérêts des auteurs

Les chercheurs ne mentionnent aucun financement ni conflit d’intérêt.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Les chercheurs ont effectué une recherche dans la littérature dans quatre banques de données différentes. Ils n’y ont pas ajouté de recherche manuelle et n’ont pas contacté les experts. Selon les auteurs, des funnel plots (non publiés !) n’ont pas pu montrer de biais de publication. Les critères d’inclusion et d’exclusion ont été correctement décrits, mais on ne sait pas si la sélection finale des études a été effectuée par au moins deux examinateurs séparés, indépendamment l’un de l’autre. On peut dire la même chose en ce qui concerne la qualité méthodologique des différentes études et de l’extraction des données. Les forest plots permettent de conclure qu’il s’agit le plus souvent de petites études comptant moins de 100 participants. La qualité méthodologique des études a été déterminée au moyen du score de Jadad, mais les résultats de cette analyse ne se retrouvent nulle part dans la publication. En outre, le score de Jadad est considéré comme une méthode imprécise pour déterminer la qualité méthodologique des études randomisées contrôlées (7). On ne sait pas sur quelle base les auteurs ont déterminé que 15 des 28 études incluses étaient de qualité méthodologique élevée. Une analyse de sensibilité des études de « qualité méthodologique élevée » n’a pas eu d’influence sur les résultats de la comparaison entre la bandelette mi-urétrale rétropubienne et la bandelette mi-urétrale transobturatrice. Les analyses de sous-groupes ont été utilisées pour examiner l’effet de l’hétérogénéité. Les auteurs ont cumulé les paramètres subjectifs et objectifs en un « degré de continence globale ». On ignore dans quel sens doit être interprété ce critère de jugement « mixte ».

 

Interprétation des résultats

L’importante hétérogénéité clinique dans les critères de jugement tant objectifs que subjectifs rend difficile l’interprétation des résultats de cette méta-analyse. En outre, il manque d’importantes informations cliniques concernant les patientes incluses pour savoir si les résultats sont extrapolables.

Une bandelette mi-urétrale semble plus efficace que la colposuspension selon Burch sur la base des paramètres objectifs, mais pas sur la base des paramètres subjectifs, ce qui est confirmé par une analyse de sensibilité de trois études avec un suivi ≥ 60 mois. Ce résultat correspond à la conclusion d’une récente synthèse méthodique Cochrane (5), mais on ne sait pas dans quel sens ce résultat doit être interprété d’un point de vue clinique.

Outre un moindre risque de vessie irritable, les bandelettes mi-urétrales sont aussi efficaces et sûres que la suspension pubovaginale classique. Une efficacité comparable a déjà été montrée dans une récente synthèse méthodique Cochrane (3).

La différence entre la bandelette mi-urétrale rétropubienne et la bandelette mi-urétrale transobturatrice quant à l’efficacité n’était pas cliniquement pertinente et n’était même pas statistiquement significative dans une analyse de sensibilité de cinq études avec un suivi d’une durée > 60 mois. Il y avait toutefois une différence quant aux effets indésirables. En outre, ce résultat concorde avec une récente synthèse méthodique Cochrane (2).

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse méthodique d’études randomisées contrôlées, le plus souvent de petite taille et de qualité méthodologiquement incertaine, qui comporte d’importantes limitations sur le plan méthodologique, nous permet de conclure que les bandelettes mi-urétrales sont au moins aussi efficaces et sûres que la colposuspension selon Burch et que la suspension pubovaginale classique. Il n’y a pas non plus de différence quant à l’efficacité entre une bandelette mi-urétrale transobturatrice et une bandelette mi-urétrale rétropubienne. Cette étude ne nous permet pas de tirer de conclusions à propos de la place des différentes techniques chirurgicales après l’échec d’un traitement conservateur chez les femmes présentant une incontinence urinaire à l’effort.

 

Pour la pratique

Les recommandations de l’association néerlandaise des médecins de famille (NHG) concernant l’incontinence urinaire chez la femme préconise des exercices intensifs des muscles du périnée comme première étape thérapeutique en cas d’incontinence à l’effort. En cas d’amélioration insuffisante, la pose d’une bandelette mi-urétrale est conseillée (1). Sur la base d’une étude randomisée contrôlée comparant les exercices des muscles du périnée et la mise en place d’une bandelette mi-urétrale (8), on recommande ensuite, en cas de symptômes sévères (incontinence urinaire plusieurs fois par semaine ou incontinence urinaire avec gêne importante), de mettre en avant comme option de traitement initiale une bandelette mi-urétrale (1). Les résultats de la synthèse méthodique avec méta-analyse décrite ci-dessus confirment la place d’une bandelette mi-urétrale comme option thérapeutique chirurgicale valable.

 

 

Références   

  1. Incontinentie voor urine bij vrouwen. NHG-Standaard M46. Actualisering: juli 2015.
  2. Ford AA, Rogerson L, Cody JD, et al. Mid-urethral sling operations for stress urinary incontinence in women. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 7. DOI: 10.1002/14651858.CD006375.pub4
  3. Rehman H, Bezerra CA, Bruschini H, et al. Traditional suburethral sling operations for urinary incontinence in women. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 7. DOI: 10.1002/14651858.CD001754.pub4
  4. Taha DE, Wadie BS. Pubovaginal sling, the godfather of midurethral slings that remained so. J Acute Dis 2015:4:91-6. DOI: 10.1016/S2221-6189(15)30015-9
  5. Dean N, Ellis G, Herbison GP, et al. Laparoscopic colposuspension for urinary incontinence in women. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 7. DOI: 10.1002/14651858.CD002239.pub3
  6. Lapitan MC, Cody JD, Mashayekhi A. Open retropubic colposuspension for urinary incontinence in women. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 7. DOI: 10.1002/14651858.CD002912.pub7
  7. Chevalier P. Qualité méthodologique et biais dans les RCTs. MinervaF 2010;9(6):76.
  8. Labrie J, Berghmans BL, Fischer K, et al. Surgery versus physiotherapy for stress urinary incontinence. N Engl J Med 2013;369:1124-33. DOI: 10.1056/NEJMoa1210627



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