Revue d'Evidence-Based Medicine



La réhabilitation cardiaque est bénéfique en cas de cardiomyopathie ischémique



Minerva 2022 Volume 21 Numéro 9 Page 216 - 219

Professions de santé

Kinésithérapeute, Médecin généraliste

Analyse de
Dibben G, Faulkner J, Oldridge N, et al. Exercise-based cardiac rehabilitation for coronary heart disease. Cochrane Database Syst Rev, Issue 11. DOI: 10.1002/14651858.CD001800.pub4


Question clinique
Que sont l'efficacité clinique et le rapport coût-efficacité de la réhabilitation cardiaque basée sur l'exercice (entraînement physique seul ou en combinaison avec des interventions psychosociales ou éducatives) par rapport au contrôle « sans exercice », sur la mortalité, la morbidité et la qualité de vie liée à la santé chez les patients avec une cardiomyopathie ischémique ?


Conclusion
La revue Cochrane confirme l’intérêt de la réhabilitation cardiaque en cas de cardiomyopathie ischémique, en réduisant le risque de nouvel infarctus myocardique. Elle va dans le sens de la précédente revue en l’élargissant à la littérature venant de pays moins riches. Elle ne permet cependant pas, à cause de l’hétérogénéité des essais analysés, de recommander précisément des programmes à utiliser dans notre pratique quotidienne.


Contexte

La réhabilitation cardiaque (RC) dans le contexte d’une cardiomyopathie ischémique (CMI) est recommandée par les sociétés cardiologiques américaine (1) et européenne (2). La Collaboration Cochrane a publié en 2016 une revue systématique sur le sujet, prenant surtout en compte les études des pays à haut niveau de vie (3). Elle vient de publier une nouvelle revue plus globale et évaluant d’autres objectifs (4).

 

Résumé

Méthodologie

Revue systématique de la littérature avec méta-analyses

Sources consultées

  • Cochrane Central Register of Controlled Trials (CENTRAL)
  • MEDLINE (incluant Epub Ahead of Print, In-Process & Other Non-Indexed Citations)
  • Embase
  • Cumulative Index to Nursing and Allied Health Literature (CINAHL)
  • SCI-Expanded and CPCI-S on Web of Science (Clarivate Analytics)
  • World Health Organization (WHO) International Clinical Trials Registry platform
  • ClinicalTrials.gov
  • recherche manuelle dans les références sélectionnées.

Etudes sélectionnées

  • études cliniques randomisées (RCT) (avec répartition individuelle des participants ou des groupes, ou conception croisée) et quasi-RCT (RCT dans lesquelles l'attribution du traitement a été obtenue par alternance ou d'autres méthodes prévisibles) de la réhabilitation cardiaque basée sur l'exercice par rapport au contrôle « sans exercice », avec une période de suivi d'au moins six mois.

 

Population étudiée

  • malades adultes, en milieu hospitalier et ambulatoire, qui ont eu un infarctus du myocarde (IM), ou qui ont subi une revascularisation ou qui ont une angine de poitrine ou une maladie coronarienne détectée par angiographie
  • ont été exclues les études qui n'incluaient que des participants ayant subi une chirurgie valvulaire cardiaque, souffrant d'insuffisance cardiaque, de fibrillation auriculaire ou de transplantation cardiaque, ou ayant bénéficié soit d’une thérapie de resynchronisation cardiaque, soit d’un défibrillateur automatique implantable.

 

Mesure des résultats

  • critères de jugement primaires : mortalité toutes causes confondues, mortalité cardiovasculaire, IM mortel et/ou IM non mortel, revascularisation, hospitalisation toutes causes, hospitalisation cardiovasculaire ; avec évaluation à court terme (6 à 12 mois), moyen terme ( > 12 à 36 mois) et long terme ( > à 36 mois)
  • critères de jugement secondaires : qualité de la vie évaluée à l'aide d'instruments validés, coûts et rentabilité.

 

Résultats 

  • l’analyse porte sur 85 essais avec un total de 23430 participants, dont 75 incluables dans les méta-analyses
  • résultats des critères de jugement primaires :
    • mortalité globale :
      • à 12 mois : RR de 0,87 avec IC à 95% de 0,73 à 1,04 ; I² = 0% ; 25 essais, 26 comparaisons, 8823 participants
      • à moyen terme (12 à 36 mois) : RR de 0,90 avec IC à 95% de 0,80 à 1,02 ; I² = 0% ; 16 essais, 11073 participants
      • à long terme (> 36 mois) : RR de 0,91 avec IC à 95% de 0,75 à 1,10 ; I² = 35% ; 11 essais, 3828 participants
    • mortalité cardiovasculaire :
      • à 12 mois : RR de 0,88 avec IC à 95% de 0,68 à 1,14 ; I² = 0 % ; 15 essais, 5360 participants
      • à moyen terme : RR de 0,77 avec IC à 95% de 0,63 à 0,93 ; I² = 5 % ; 5 essais, 3614 participants
      • à long terme : RR de 0,58 avec IC à 95% de 0,43 à 0,78 ; I² = 0 % ; 8 essais, 1392 participants
    • infarctus myocardique (mortel ou non) :
      • à 12 mois : RR de 0,72 avec IC à 95% de 0,55 à 0,93 ; I² = 7% ; 22 essais, 24 comparaisons, 7423 participants ; NNT (nombre de patients à traiter) : 75 pour éviter 1 IM (avec IC à 95% de 47 à 298)
      • à moyen terme : RR de 1,07 avec IC à 95% de 0,91 à 1,27, I² = 0% ; 12 essais, 9565 participants
      • à long terme : RR de 0,67 avec IC à 95% de 0,50 à 0,90 ; I² = 0% ; 10 essais, 1560 participants
    • pontage aorto-coronarien :
      • à 12 mois : RR de 0,99 avec IC à 95% de 0,78 à 1,27 ; I² = 0% ; 20 essais, 22 comparaisons, 4473 participants
      • à moyen terme : RR de 0,97 avec IC à 95% de 0,77 à 1,23 ; I² = 0% ; 9 essais, 2826 participants
      • à long terme : RR de 0,66 avec IC à 95% de 0,34 à 1,27 ; I² = 18% ; 4 essais, 675 participants
    • angioplastie coronaire percutanée :
      • à 12 mois : RR de 0,86 avec IC à 95% de 0,63 à 1,19 ; I² = 7% ; 13 essais, 14 comparaisons, 3465 participants
      • à moyen terme : RR de 0,96 avec IC à 95% de 0,69 à 1,35 ; I² = 26% ; 6 essais, 1983 participants
      • à long terme : RR de 0,76 avec IC à 95% de 0,48 à 1,20 ; I² = 0% ; 3 essais, 567 participants
    • hospitalisation de toute cause :
      • à 12 mois : RR de 0,58 avec IC à 95% de 0,43 à 0,77 ; I² = 42% ; 14 essais, 16 comparaisons, 2030 participants. NNT : 12 pour éviter une hospitalisation
      • à moyen terme : RR de 0,92 avec IC à 95% de 0,82 à 1,03 ; I² = 0% ; 9 essais, 5995 participants
    • hospitalisation pour cause cardiovasculaire :
      • à 12 mois : RR de 0,80 avec IC à 95% de 0,41 à 1,59 ; I² = 53% ; 6 essais, 1087 participants
      • à moyen terme : RR de 0,92 avec IC à 95% de 0,76 à 1,12 ; I² = 0% ; 3 essais, 943 participants
  • résultats des critères de jugement secondaires :
    • qualité de la vie : données à 12 mois
      • avec le score SF-36 (composante physique) : DM (différence moyenne) de 1,70 avec IC à 95% de -0,08 à 3,47 ; p = 0,06 ; I² = 73% ; 6 essais
      • avec le score SF-36 (composante mentale) : DM de 2,14 avec IC à 95% de 1,07 à 3,22 ; I²=  21% ; 6 essais
    • coûts et rentabilité (8 études) : en faveur de la RC basée sur l'exercice   potentiellement rentable des ressources en termes de gain en années de vie ajustées sur la qualité (QALY).

 

Conclusion des auteurs

La réhabilitation cardiaque basée sur l'exercice offre des avantages importants aux personnes atteintes de coronaropathie, notamment un risque réduit d'infarctus du myocarde, un risque probablement faible de réduction de la mortalité toutes causes confondues, et une forte diminution des hospitalisations toutes causes confondues, ainsi que des coûts de santé associés, et une amélioration de la qualité de vie jusqu'à 12 mois de suivi. Sur un suivi à plus long terme, les avantages peuvent inclure des réductions de la mortalité cardiovasculaire et de l'IDM.

 

Financement de l’étude

Health Care & Promotion Fund Committee d'Hong Kong.

 

Conflit d'intérêt des auteurs

Aucun conflit d'intérêt déclaré.

 

Discussion

 

Méthodologie

La revue a été réalisée selon les recommandations Cochrane en suivant le Cochrane Handbook. Pour les données manquantes, les auteurs ont été contactés. L’hétérogénéité a été évalué avec le test I² ; une méta-régression univariée a été réalisée pour explorer l'hétérogénéité et examiner les modificateurs potentiels de l'effet du traitement. La méta-régression a montré que les avantages dans les résultats étaient indépendants du groupe de cas de coronaropathie, du type de RC, de la dose d'exercice, de la durée du suivi, de l'année de la publication, du cadre de RC, du lieu de l'étude, de la taille de l'échantillon ou du risque de biais. Il n’y a pas eu d’analyse de sensibilité. Le risque global de biais a été évalué faible ou incertain. En particulier, les détails de la génération et de la dissimulation de la séquence d'attribution aléatoire, et la mise en aveugle de l'évaluation des résultats ont été mal rapportés. Mais ce dernier critère est-il applicable pour ce type d’intervention ? L'asymétrie du graphique en entonnoir pour le risque d'IM et d'admission à l'hôpital toutes causes confondues indique un biais de petites études et un éventuel biais de publication. Il y avait également des preuves d'hétérogénéité statistique pour les hospitalisations de toutes causes et cardiovasculaires, et quasi toutes les sous-échelles de la qualité de vie.

Les auteurs ont pris de multiples objectifs primaires. Celui qui repose sur le plus d’études est la mortalité globale à 12 mois (25 essais) et celui pour lequel il y a le moins d’essais est l’hospitalisation pour cause cardiovasculaire (6 essais).

 

Évaluation des résultats

Il y a beaucoup d’hétérogénéité dans les études sélectionnées, notamment dans l’intervention testée, les pays d’origine, le type de patients sélectionnés. L’intervention évaluée varie selon les études : 38 (45%) des essais impliquaient des interventions d'exercice uniquement et 47 (55%) des interventions avec exercice plus d'autres composants, notamment des séances dites éducationnelles. Le type d'exercice le plus souvent inclus était le vélo stationnaire, la marche ou l'entraînement en circuit ; 21 (25%) ont été réalisés au domicile des participants. Le comparateur est aussi hétérogène, décrit comme soins usuels dans 59% des essais. Dans d’autres études, il pouvait aussi y avoir une composante éducationnelle. Dans l'ensemble, la majorité des preuves issues des essais provenaient de milieux à revenu élevé (64/85, 75%) ; il n’y en avait que 16 entrepris dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. A noter que l’inclusion de ces dernières études a déclassé la certitude des données probantes pour des objectifs comme la mortalité toutes causes confondues ou la mortalité cardiovasculaire, en raison de larges intervalles de confiance qui chevauchent la limite sans effet.

Des patients atteinte d'IM seuls ont été recrutés dans 40 essais (47%, 17085 participants). Les essais restants ont recruté des personnes souffrant exclusivement d'angor (6%, 368 participants), des patients post-pontage (8%, 983 participants), des patients post-reperméabilisation percutanée (8 %, 1035 participants) ou une population mixte de personnes atteintes de coronaropathie (31%, 3959 patients). Les auteurs plaident que cette hétérogénéité est en faveur d’une meilleure généralisabilité des résultats rapportés, notamment en ce qui concerne les femmes ou les pays à moindre revenu. Cependant, pour le praticien qui doit prendre une décision dans un cas individuel, cette revue n’apporte guère d’aide pratique, notamment en termes de programme précis de réhabilitation cardiaque à choisir dans un contexte donné. Les auteurs recommandent d’ailleurs la réalisation de nouvelles RCTs, bien élaborées et bien conduites pour améliorer nos connaissances.

 

Que disent les guides de pratique clinique?

La Société américaine de cardiologie (1) recommande la réhabilitation cardiaque en cas d’intervention sur la circulation coronaire (pontage chirurgical ou reperméabilisation percutanée) dans le cadre d’un programme complet de réadaptation cardiovasculaire ambulatoire. Elle le recommande également avec un moins bon niveau de preuve en cas d’angine de poitrine chronique. La Société européenne de cardiologie (2) recommande de manière forte la réhabilitation cardiaque basée sur l'exercice comme moyen efficace pour les patients atteints de cardiomyopathie d'adopter un mode de vie sain et de gérer les facteurs de risque.

 

Conclusion de Minerva

La revue Cochrane confirme l’intérêt de la réhabilitation cardiaque en cas de cardiomyopathie ischémique, en réduisant le risque de nouvel infarctus myocardique. Elle va dans le sens de la précédente revue en l’élargissant à la littérature venant de pays moins riches. Elle ne permet cependant pas, à cause de l’hétérogénéité des essais analysés, de recommander précisément des programmes à utiliser dans notre pratique quotidienne.

 

 

 

Références 

  1. Smith SC, Benjamin EJ, Bonow RO, et al. AHA/ACCF secondary prevention and risk reduction therapy for patients with coronary and other atherosclerotic vascular disease: 2011 update: a guideline from the American Heart Association and American College of Cardiology Foundation endorsed by the World Heart Federation and the Preventive Cardiovascular Nurses Association. J Am Coll Cardiol 2011;58:243246. DOI: 10.1016/j.jacc.2011.10.824
  2. Knuuti J, Wijns W, Saraste A, et al. 2019 ESC Guidelines for the diagnosis and management of chronic coronary syndromes. Eur Heart J 2020;41:40777. DOI: 10.1093/eurheartj/ehz425
  3. Anderson L, Thompson DR, Oldridge N, et al. Exercise-based cardiac rehabilitation for coronary heart disease. Cochrane Database Syst Rev 2016, Issue 1. DOI: 10.1016/j.jacc.2015.10.044
  4. Dibben G, Faulkner J, Oldridge N, et al. Exercise-based cardiac rehabilitation for coronary heart disease. Cochrane Database Syst Rev, Issue 11. DOI:  10.1002/14651858.CD001800.pub4

 


Auteurs

Sculier J.P.
Institut Jules Bordet; Laboratoire de Médecine Factuelle, Faculté de Médecine, ULB
COI : Absence de conflits d’intérêt avec le sujet.

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